ART CRITIC TEXT
2024 - HUET Virginie
Architecte de formation, Agnès Dosmas Krier applique au lin les leçons du béton : d’après un croquis d’origine actant les proportions, elle répète un module de base, étalon commun à la structure qui, au bout du compte, habitera l’espace. Sur son métier à tisser, simplifié puis traditionnel, avec cadres et pédales, elle passe du plan au volume, alternant pleins et vides, chaînes et trames, hasardant des “jeux de points” sur un nombre prédéfini de fils. Contraints ou laissés libres, ils forment un ensemble solidaire, parfois amidonné, dont certains s’échappent en “nappes”, donnant à ses grilles ou cubes aux nuances sourdes une certaine profondeur. Ailleurs, le tissu plisse, s’enroule, tombe, se bombe, comme le pan d’un habit, le relief d’une carte, la cage d’un poumon. Dans le sillage de ses aînées Sheila Hicks, Lenore Tawney, ou Anni Albers, Agnès Dosmas Krier prend “le temps de faire”. Les prouesses l'indiffèrent et sa technique, élémentaire, lui suffit. Car il s’agit au fond de nouer une “relation” entre les dimensions, entre la matière et l’air, la lumière ou le mur, soit tout ce qui l’entoure. Dernièrement, fascinée par la beauté nue de simples épluchures, elle entrelace les peaux de fruits et légumes de saison, lesquelles ont, quand elles sèchent, de drôles de réactions : dans un dernier soupir, elles vrillent, et leurs couleurs fanées se mêlent à celles des fibres. Agnès Dosmas Krier consigne des traces. Ses outils et ses gestes, immuables, s’accordent au rythme sans heurts de la vie domestique.